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lundi 24 mai 2010

une bonne nouvelle

VACANCES IDEALES
dédié à Mahmoud S.




« J’en ai plus qu’assez ! Marre ! Ras le bol ! Sophie hurlait sur son mari sans se soucier pour une fois que les voisins des villas environnantes l’entendent.
- Ca ne peut plus durer ! Je me moque des conséquences ! Tu n’as plus le choix ! De toutes façons, on ne te demande pas ton avis ! Sophie donnait tout le volume sonore possible à ses paroles en s’agitant à travers la maison. Elle jetait pêle-mêle ses vêtements et ceux des enfants dans les valises, avec de la nourriture, ses papiers, des livres, des jouets, bref, tout ce qui trainait.
- Cette fois, je pars ! Et tu ne me feras pas changer d’avis ! Et j’emmène les enfants ! Ne cherche pas à nous retenir, ou je fais un malheur !
- Mais, chérie… Hugo tenta de glisser un mot.
- Il n’y a pas de mais, et pas de chérie qui tienne. Cette fois, nous partons en vacances, avec ou sans toi ! Ca suffit de rester ici parce que tu travailles tout le temps et que ça ne rapporte pas un rond ! J’ai vendu ta collection de bandes dessinées et ta moto. Maman m’a prêté le reste ! nous partons aujourd’hui même ! Pour la dernière fois, vas-tu venir avec nous ?
Un silence lourd comme la tour Eiffel s’installa soudain. Les yeux exorbités de Sophie et ceux apeurés de la fillette et de son cadet étaient fixés sur Hugo.
Hugo balbutia honteusement :
- Je le voudrais bien, mais je rencontre cet éditeur dans trois jours, et j’ai presque terminé. Je vous rejoindrai après, promis… Et avec une bonne nouvelle, j’espère, peut être même un chèque.
- Je le savais ! La voix suraigüe de Sophie claqua comme un coup de fouet sur une haridelle. Hugo se ratatina face à l’opprobre de tous. Il se sentait sale type comme jamais.
- Allez, venez les enfants, on va s’éclater sans lui, pas besoin de ce minable, ce raté, ce nul ! Venez vite, on y va ! Sophie empoigna les bagages qu’elle venait de boucler, et cracha par-dessus son épaule :
- Tu n’as pas besoin de la voiture ! Et si tu laisses crever mes plantes, je te fais la peau ! »
La porte claqua tellement fort que leur photo de mariage tomba du mur. La vitre du cadre se brisa. La voiture vrombit dehors, et hurla de douleur comme Sophie passait la troisième pour sortir de leur jardin. Hugo resta un instant affaissé sur sa chaise à roulettes, effondré par l’altercation, mais soulagé par le retour du silence, son cher silence. Il se leva lentement pour ramasser les morceaux de verre, et posa la photo de leur mariage sur son bureau. Il se coupa un doigt qu’il suça pensivement. Pourvu qu’il ne leur arrive rien.
Dans la voiture, Sophie rit maintenant avec Marylin et Kevin de la tête de son mari. Ils se mettent à chanter ensemble « Vamos à la playa » à tue tête avec l’autoradio. Ce sont les premières vacances qu’ils prennent depuis 5 ans, depuis la naissance de Kevin. Tout ça parce que leur époux et père veut jouer à l’artiste et faire ses petits dessins, au lieu d’avoir un vrai travail qu’on puisse dire à l’école. Ils commentent le paysage en dévorant chips et bonbons. Ils ont vit oublié celui qui reste en arrière. Ce n’est pas lui qui va leur gâcher le plaisir, non mais !
De son côté, Hugo s’est remis au travail. Ses gestes sont secs et nerveux, ce qui donne soudain beaucoup de dynamisme et de caractère à ses planches. Ca colle bien avec le scénario de son histoire fantastique. Cela l’encourage à travailler tout le jour et toute la nuit, il ne s’arrête que pour se remplir de café et se vider aux wc. Pourtant, dans un coin de sa tête, il s’inquiète pour les siens. C’est la première fois qu’ils sont séparés. Au fond Sophie a raison, ils méritent ces vacances. J’espère qu’elle a tiré un bon prix de la v-max, elle n’a presque pas roulé, parce qu’il avait peur des accélérations. Où vont-ils déjà ? Trop tard pour appeler Sophie sur son portable, il téléphonera demain…
Sophie a rencontré le premier embouteillage une demi-heure après avoir atteint la station service. Dans sa hâte de repartir, elle oublie là-bas son portable. Plutôt, c’est tombé de son sac sans qu’elle ne s’en aperçoive. Les enfants ont commencé à se disputer quand ils sont tombés en panne d’essence, et ce jusqu’à ce que ce camionneur les dépanne. La promesse d’un Mac-do a réussi à les calmer quand ils sont repartis, mais elle n’a pas dit qu’il n’y en a aucun sur l’autoroute. Elle compte mentalement son argent, et les dépenses qui vont s’accumuler : les péages, encore un plein. Le camping où les attend une caravane. Elle n’aurait peut être pas dû aller chez le coiffeur, mais ce nouveau maillot de bain était indispensable.
Quand les enfants s’endorment enfin l’un sur l’autre, elle se détend un peu et allume une cigarette, plus que 3 heures de route… Mais c’était sans compter sur l’accident 10 km avant leur destination. Il a fallu faire un détour de plus de 50 km. Fichtre ! Elle n’avait jamais vu un camion flamber comme ça, ni un hélicoptère se poser sur l’autoroute. Enfin… Ca vaut le coup, vive les vacances !...
C’est au petit matin, en voulant sortir la poubelle, qu’Hugo se rend compte que quand Sophie a claqué la porte si fort, tout le système domotique de fermeture centralisé de la maison s’est bloqué. Il est coincé à l’intérieur de chez lui. Il n’y a pas d’issue, il le sait trop bien, depuis que Marylin s’était enfermée pour se plaindre de ne pas avoir droit de prendre un piercing. Il avait fallu appeler l’installateur et démonter le système. Calmement, il se mit à la recherche de son portable pour se rendre compte qu’il n’a plus de crédit. Non seulement, il ne peut pas appeler le dépanneur, mais il n’aura pas de nouvelles de sa famille aimée avant leur retour dans 3 semaines, à moins qu’elle n’appelle ? Improbable vu sa crise. En voulant forcer une fenêtre, tous les volets se sont soudain fermés et ont plongé l’intérieur dans une obscurité totale. Je me plaindrai au fabricant.
Que faire ? Un café lui parait la meilleure idée. Il s’affale au milieu du canapé, et se prend la tête entre les mains. L’Editeur ! C’est encore foutu cette fois-ci, mais ce n’est vraiment pas de sa faute. Le vague à l’œil, il soupire. Pourvu qu’il ne leur arrive rien !...
Sophie a été réveillée à l’aube par les petits qui veulent aller se baigner à la mer. Elle a beau menacer, supplier, négocier, promettre monts et merveilles, elle a beau parlementer, rien n’y fait, pas moyen de dormir. Les enfants ont dormi la moitié du trajet et tout le reste de la nuit, pendant qu’elle se débattait avec l’embrayage, la carte routière, la circulation, le contrôle de police de routine (« Soufflez madame ! Soufflez plus fort. Non vous ne soufflez pas vraiment ! Descendez de la voiture ! Soyez polie ! Attention à ce que vous dites ! Vous avez les papiers de ces enfants ? Etc.…). Le pire avait été évité.
L’employé du camping qui lui avait fait des avances ouvertement, et devant son refus outré (« j’ai des enfants ! ») avait refusé de lui dire où se trouvait l’emplacement n°135 B dans le dédale du gigantesque camping *** qu’elle avait choisi au Gros Durail, la station balnéaire idéale d’après le dépliant de l’agence de tourisme de Betty. J’espère que ma meilleure amie connait quand même son métier.
A 7h du matin, Marylin et Kevin hurlaient plus fort que leur mère que l’eau était glacée, et qu’ils voulaient aller à Mac-do. Elle avait promis. C’est pas juste.
Hugo a fait le tour de la maison pour recenser la nourriture, le tabac, et l’alcool dont il dispose. Il a même trouvé du shit dans la poche d’une veste de Sophie. Quelle cachotière ! Elle dit qu’elle a arrêté depuis des mois. Au moins, il n’a pas trouvé la photo d’un amant. Quand il a fini l’inventaire de ses ressources. Il est midi. Alors il mange une choucroute garnie en boite en écoutant France-info. C’est une conserve de 800g, mais il remplace les pommes de terre de la boite par un bon peu de rates qu’il a tirées de son jardin, il y a quelques jours. Pour l’occasion, il ouvre une vieille bouteille de vin d’Arbois qu’il a offerte à Sophie à Noël dernier. A ta santé chérie, j’espère que vous vous amusez bien. Ensuite, il se paye une sieste royale comme son corps l’exige après sa traversée de la nuit en solitaire. Il rêve du corps fin et musclé de Sophie dans son maillot neuf, et se tourne et se retourne en dormant dans le lit trop grand. Il s’endort tranquille pourtant car son histoire sur le papier prend vraiment tournure. Il se voit déjà à Angoulême…
Hugo voit le bon côté des choses. Il ne dérangera personne, et personne ne le dérangera. Il se rationne pour le tabac, et rit de se passer si facilement de sa chère clope. Il a jeté le shit aux toilettes, c’est sa place, comme son nom l’indique, par contre chaque soir, il ouvre une nouvelle bouteille. Lui qui n’a pas l’habitude, il dort très bien toutes les nuits. Il a repris son histoire à zéro, et pond un bijou sur une maison déserte hantée par un fantôme daltonien, c'est-à-dire qui voit des cowboys partout. Les cowboys hantent l’esprit de ce fantôme, sujet pour une histoire loufoque et drôle, avec une pointe de gravité existentielle parfois. Il travaille d’arrache pied, et arrose minutieusement les plantes 2 fois par semaine. Il compte les jours à rebours, avec une angoisse croissante ! Pourquoi n’appelle-t-elle pas ? Elle était fâchée mais quand même !... A-t-elle rencontré quelqu’un ? Ah, si seulement la ligne de téléphone fixe n’avait pas été coupée ! Et j’espère que Kevin n’embête pas trop la petite Marie. Elle est tellement gentille qu’elle lui passe tout. Plus que 2 semaines, plus qu’une, plus que trois jours, plus que deux. Ah ! C’est aujourd’hui qu’ils reviennent !
En arrivant, épuisée devant leur pavillon de banlieue, Sophie est ébahie : le courrier déborde de la boite aux lettres, les mauvaises herbes ont envahi son potager dont il prend tant de soin. La maison est close, bouclée ! Ce salaud s’est fait la malle !
Autant fatigué que par humiliation, elle cède à son envie de pleurer, bien que les enfants s’agrippent à elle.
« On veut voir Papa ! On veut voir Papa !
- Mes chéris, je crois que votre papa est parti vivre avec une autre maman. Il n’est plus là ».
Les enfants hurlent de plus belle. Sophie s’écroule sur le perron, sanglotant toute l’eau de son corps bronzé par pitié pour elle-même. Il lui a fait à l’envers. Il lui fait payer son caprice. Tu parles de vacances, du sable jusque dans le dentifrice, les gamins insupportables qui ne l’écoutaient pas. La voiture en carafe, le frigo qui a pété les plombs et s’est mis à chauffer, il avait fallu changer de caravane, et la tornade qui est tombée sur leur bateau de mini-croisière pendant l’excursion. Les pompiers avaient dû évacuer tout le monde en zodiac. Au prix qu’elle avait payé ! Et pas moyen de se faire rembourser.
Kevin s’était cassé une jambe le lendemain en sautant du toit de la voiture sur sa sœur pour jouer à Spiderman. Et tous ces hommes dans le camping qui ne regardaient que sa poitrine si elle leur parlait et ses fesses quand elle partait furieuse. Et toutes ces femmes qui l’insultaient, ne touche pas à mon mari, salope ! Les sous avaient manqué au milieu de la troisième semaine. Sandwich aux pâtes à tous les repas, remarque, les enfants étaient contents, surtout avec plein de ketchup… Elle n’en finissait pas de pleurer sur son sort, mais la pensée de son congélateur plein de bonnes choses lui redonna du tonus.
Quand elle eut ouvert la porte, elle ressentit un choc immense : ça sentait la blanquette de veau !!! Elle en était sûre et certaine, elle pouvait en détailler tous les composants, la viande, la sauce, les poireaux qui font le secret de cette recette secrète.
Ahurie, doutant à présent de sa raison, elle tituba jusqu’à la cuisine… Son ventre ne la portait plus. Les enfants la suivent surpris de son silence hagard…
La table était mise, un bouquet de fleurs en papier posé au milieu, et un grand sourire s’imposa à son esprit. Les enfants se sont déjà jetés sur Hugo : « Papaaa ! » A son habitude, il ne parle pas. Par contre Sophie ne parle pas non plus, c’est exceptionnel. Il prend un enfant par chaque main et s’approche de celle qui fleurit son cœur.
« Vous m’avez manqué » dit il simplement, et ils se font un énorme câlin tous les quatre se serrant ensemble très fort, les petits dans les jambes.
« Tu es bronzée… Ca va ? »
Ses yeux le mangent en entier, elle ne l’a jamais trouvé si beau, il est détendu, souriant, mais il y a maintenant quelque chose de nouveau : c’est ça, il a l’air fort. Elle ne l’intimide plus, d’ailleurs n’en a plus envie, se pelotonne contre son épaule et dit enfin : « Ca sent très bon ! »
Le repas a duré beaucoup plus longtemps que d’habitude : il y avait tant de bonnes choses à manger, et tant à raconter. Hugo n’a pas beaucoup parlé de lui, mais oui, pour lui, ce furent de bonnes vacances. Il s’est bien reposé et il a bien travaillé. « Mais sans vous, ça ne vaut pas le coup. La prochaine fois, je partirai avec vous », mais Sophie glapit, « nous ne partirons plus ! »

EPILOGUE : L’éditeur a tellement ri des explications d’Hugo qu’il lui a demandé de mettre cette histoire en BD, et qu’elle soit éditée juste après celle du fantôme daltonien (« excellent »). L’été suivant, ils sont restés dans leur pavillon de banlieue, parce que le troisième était trop petit encore. Et ce n’était pas plus mal. Mais ils sont retournés ensemble au Gros Durail l’année d’après, et toutes leurs vacances furent fabuleuses, où qu’ils aillent, même avec les enfants de Marylin et de Kevin et du petit, mais c’est une autre histoire…

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