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dimanche 3 octobre 2010

Le pain dans la gueule

« Quand c’est fini, c’est fini… »
Je remâchais cette pensée en même temps que ma dernière bouchée de pain. Je l’avais bien amère, mais que faire ? C’était la guerre, ni la première, ni la dernière, certainement, mais ça ne me consolait guère. Au moins je n’avais plus faim… Pour l’instant.
En remontant mon col, j’ai noté que l’aube pointait. La miche de pain m’avait fait passer une nuit agréable malgré tout. Depuis le couvre-feu hier, je mangeais, bouchée après bouchée, lentement, paisiblement, seul et bien caché, en m’interrompant parfois pour fumer une cigarette. C’est bête, le tabac était plus facile à trouver que le pain. Ironie du sort, chose courante en ces temps de Mort.
Sans penser plus d’un instant à ceux qui étaient assez riches pour s’en procurer quand ils le voulaient, je me demandais quand j’aurais assez d’argent à nouveau pour manger… Pas évident comme question, j’ai haussé les épaules et j’ai allumé une autre cigarette. J’étais aussi sombre que le ciel. Il allait encore pleuvoir, ce qui n’arrangeait pas mon humeur.
Car ce pain que j’avais payé si cher, tout blanc qu’il était à prime abord, était coupé presque à moitié de sciure. C’était évident. Mais pas moyen de détecter ça en l’achetant, le vendeur scélérat avait empoché d’une main l’argent avant de lâcher le précieux quignon de l’autre, avant de s’enfuir…
N’empêche, j’avais tout mangé, consciencieusement parce qu’il y avait quand même moitié de blé. Et puis, zut ! Je l’avais payé, et cher !... Plus trivialement, j’avais faim, et rien d’autre à manger. Alors j’avais ruminé mes idées sombres. bien mastiquer pour pouvoir avaler ça. J’en étais malade.
Bien-sûr, c’est toute ma situation qui était indigeste. J’étais coupé des miens, plus de nouvelles depuis des semaines… Je les avais laissés à l’abri en dehors de la ville pour qu’ils échappent aux milices armées. Ma chérie surtout me manquait, car sa seule présence me donnait paix, force et joie. Et elle n’était pas avec moi. Je me sentais tendu, angoissé, faible, et je l’avais bien amer ! Pourvu que tout aille bien pour eux ! Vite ! Penser à autre chose… Je rotai un bon coup par acquis de conscience.
Quand enfin, les sirènes annoncent la levée du couvre-feu, je suis sorti des ruines où j’avais passé la nuit avec mon triste festin, un festin royal, oui ! Pour le roi des cons ! Mais le danger m’évite à présent de penser à tout ça.
En longeant les murs, je me dirige vers la sortie de la ville, je n’avais pas pu me procurer d’arme-à-feu, ce que j’étais venu chercher. Tout mon pactole s’était envolé pour calmer la patrouille de police qui m’avait arrêté avant-hier. Ils m’avaient confisqué mes papiers et voulaient me fusiller sur place en disant que mon laissez-passer était faux. Il était vrai, je le jure sur ma vie, mais allez contredire une douzaine de mastodontes complètement shootés et armés jusqu’aux dents. J’avais payé.
Je ne pouvais plus me permettre de les croiser à nouveau. Heureusement, ils m’avaient laissé partir sans me mettre à poil. Je m’en étais tiré avec seulement un passage à tabac. Ma petite réserve dans ma chaussure m’avait permis d’acheter ce pain. Voilà toute l’histoire.
Soudain, un bruit de pas, je me jette dans un trou, tant pis pour le cadavre qui y était déjà. Si son odeur avancée me rend malade un peu plus, au moins, il ne va pas dénoncer ma présence. C’était une milice de pillards, parmi lesquels je reconnais mon cousin. Pas trop rassuré… et pourtant, mû par mon indignation, sans plus écouter ma peur, je bondis sur lui. « Salaud ! Salut mon salaud ! Ca me fait plaisir de te voir ! » Surpris, il a arrêté d’un geste ses potes qui levaient leurs guns. « C’est mon idiot de cousin !
- alors, du con, t’es pas mort ? Il se moquait encore de moi, mais au moins
n’était pas hostile.
- Ca va, mais le pain que tu m’as vendu hier était dégueulasse ! Tu ne respectes même plus la famille ! Je n’ai pas pu m’empêcher de lui râler après, malgré le danger que ça représente.
- C’est la guerre, que veux-tu ?... Eh ! Mais t’es pourri !!!...
Je venais de lui vomir dessus, autant à cause de ce que j’avais mangé que par trouille. Il était furieux, à un point indescriptible, et c’en était fini de moi, à ceci près que la bande autour de lui l’a pris à partie, lui reprochant de vendre du pain en douce alors que tout le monde crève la dalle. J’ai profité de leur bagarre générale pour m’éclipser à une allure de Lévrier Afghan poursuivi par l’Otan.
Comme enfin, je n’entends plus leurs cris, je me planque sous une voiture, et j’avise. Je me sens bien mieux. D’abord, mon estomac est plus léger, et puis j’ai dit à ma façon ce que je pensais de lui à mon escroc de cousin : il est à vomir. HA-HA ! Je ris tout seul sous l’épave qui me cache assez pour l’instant. Je me dis que c’est drôle, et même je trouve le cœur à plaisanter avec moi-même, à cet instant. « Faites l’humour et pas la guerre ! » Je me tords de rire tout seul. C’est vrai que je suis le roi des cons, même que j’ai perdu une couronne en mordant dans ce foutu pain. J’avais pris un pain dans la gueule, certes mais… Je souris ; même pas mal !!...
Cette nuit là, profitant du couvre-feu j’ai quitté cette foutue cité, bien décidé à ne plus jamais y remettre les pieds. Restait à retrouver les miens, mais c’est une autre histoire… Une histoire sans faim, j’ai ri longtemps cette nuit-là.