Seul en silence, je fume et je pense. J'écris donc je suis, car il y a forcément quelqu'un qui a écrit ceci. Ce texte n'existe pas par hasard. Je le dédie à tous mes amis, que j'avais de si près tenus et qui ont disparu de ma vie.
A ceux que j'ai blessés, je demande pardon : Paix à vous !
A ceux qui sont morts : Paix à vous !
A ceux qui m'ont fait du tort : Paix à vous !
A ceux qui me tournent le dos : Paix à vous !
A ceux qui restent et me tiennent debout : Paix à vous ! Gloire à
vous !, avec cette sublime louange qu'est mon bonheur infini : fou de joie, je vous dédie cet instant béni, tellement parfait que je reste sans voix. Que dire quand tout est beau ?
Le silence seul peut rendre compte de cet instant présent, de cet instant-cadeau.
Ma gratitude insolvable pour tous ceux qui ont tendu la main à mon âme égarée sur les chemins du doute. C'est à vous que je dois tout. Sans vous, il n'y aurait pas eu cette résilience inattendue, improbable, inespérée, incroyable = je suis vivant, encore et malgré tout, j'aime la vie, encore et malgré tout, je suis heureux !
"La vie, c'est comme on se la raconte." ai-je coutume de dire. C'est la leçon de la bouteille à moitié : observer sans penser. Chacun a la culotte sale. Alors... qui peut juger ?
Douceur du respect avec humilité.
Au milieu de la nuit, le silence, rythmé par le bruit ténu de la plume qui crisse sur le papier nu. Pudeur de la pensée qui se dévoile ici : on est entre soi.
Une grande cigarette parfumée à la sauge du jardin. HMmmh !... cette belle odeur de plante médicinale, cet arôme fort de la sauge vivace, cette fragrance venue de l'antiquité pique mon nez ; une odeur de pharmacie, oui, on s'en sert de purificateur, comme plante divinatoire, sur tous les continents, depuis des milliers d'années.
J'ai redécouvert cette sauge -salvia divinarium- il y a peu de temps. L'idée abstraite est devenue expérience concrète. Ne dis pas : "ça ne sent pas bon." Dis plutôt : "je n'aime pas cette odeur." car pour moi, cela représente un grand et intense bonheur. Cette plante est vivante. Même séchée et broyée et mêlée à mon pur tabac, elle garde toute sa liberté et c'est elle qui décide de l'effet qu'elle me fait, ou pas.
Cette fois, traitée avec respect, elle m'ouvre la conscience jusqu'aux confins du monde ; j'embrasse tout le cercle... L'extérieur remplit mon intériorité. Le monde m'étreint.
Grand moment paisible. repos de l'âme. Tout est tranquille. Je pense à mes femmes, toutes mes amies que je chéris avec soin, ces amours platoniques qui nous relient de loin. Tendresse enivrante de nos affections vibrantes, cet amour sublime qui naît de nos conversations intimes. Nous nous connaissons et c'est si bon !...
Ne couchant avec aucune, je peux les aimer toutes, c'est net et sans bavures, sans faire de jaloux. L'amour pur nous réunit. J'accueille volontiers dans la mienne leurs vies qui peinent.
Ô mes soeurs humaines, que de beauté vous déployez dans vos existences de femmes quotidiennes ! Vos petits bobos et vos grandes joies, vos peurs mortelles et vos désirs charnels, vous les partagez avec moi en toute confiance, car vous savez que vos confidences sont bien
placées : je suis un ange, sans complexe, je vous bénis, je vous absous, je vous comprends, je vous écoute surtout. Voici nos amours ravies et ravissantes. Voilà nos liens jolis.
"Toutes mes femmes" je vous aime chacune à votre façon, à votre mesure. Vous savez bien que rien de d'autre que vous ne compte pour moi quand vous vous racontez, il n'y a que vous. Tout vient de ma capacité à me décentrer et à épouser votre vie sans toucher à votre corps.
Tout vient à point à qui sait écouter.
De retour sur mon fauteuil, à la table de travail, au centre de cette activité d'écriture. "Le retour se fait toujours au centre." car c'est notre conscience qui est le centre de la vie, surtout quand elle se place en périphérie du monde pour l'observer tout entier.
Ecrire, encore et encore, écrire comme on respire pour se donner à lire à livre ouvert dans son propre être. L'existence du monde, soi qui l'observe, un tout cohérent et harmonieux, l'unité de la pensée qui ne pense pas. Observer sans interpréter. C'est alors que naît le vide souverain qui peut recevoir dans tout son éclat la Vérité entière par voie d'évidence.
Je me connais. Je me connais bien, même. Je me vois, distancié par rapport à mon ego, je le vois comme de l'extérieur. Je contemple cette conscience unie au monde par la Vie. La Vie qui relie toute chose, qui porte en soi une indicible osmose : ce-qui-est.
Voir d'un coup d'oeil tout l'Existant, comme on embrasse tout le paysage tout autour, tout le tour de l'horizon, quand on est sur un pic élevé et isolé... Une tour dans la plaine peut en voir toute l'étendue. La conséquence est qu'on peut la voir de loin, cette hauteur d'où l'on voit.
Tour et retour : tout est dit.
Au dernier tiers de la nuit, tout est plus clair pour l'entendement. La conscience embrasse la globalité avec plus d'aisance. Ce monde qui dort s'offre, abandonné et il est facile de l'accueillir.
A cet instant précis se présente le chat. Il s'approche, encore endormi ; il s'étire : une patte arrière, l'autre, puis les deux membres avant se plantent dans le linoléum et il se cambre, tirant son corps en arrière, comme les chats aiment le faire.
Pour une fois, je m'assieds sur le canapé et je l'appelle. Il est surpris, perplexe. Je ne lui avais encore jamais fait ça. Puis il comprend et vient à moi, dans mon giron, se faire câliner, caresser, grattouiller sous le cou. Je le flatte de la voix, doucement, d'un ton de basse : "chat va comme chat, bon chat, fidèle ami, gentil, aimable animal..." il se rengorge.
Puis nous passons à la cuisine. Dans notre misère, c'est la fête ! Le boucher m'a donné pour lui un bout de mou, du poumon sanglant. Découpé en lanières, mélangé au croquettes, c'est un festin sans pareil pour lui qui a faim. Paix et joie.
Ce chat qui mange est l'image même du bonheur.